Région Normandie – Séance plénière du 26 mai 2015
Discours de Politique Générale
Jeudi 26 mai 2016
Laetitia SANCHEZ, Présidente du Groupe Normandie Ecologie – EELV
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les conseillers,
Des collectivités organisent en ce moment des projections du film « Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent, à destination des élus. Ça a été le cas aussi à Caen la semaine dernière à l’initiative de la Chambre Régionale de l’ ESS. Peut-être certains d’entre vous y sont-ils allés ?
Record d’entrées pour un documentaire, avec plus de 1 million de spectateurs, ce film trace un chemin d’espoir pour le 21ème siècle.
A rebours des tentations de retour en arrière, vers les pires heures du 20ème siècle, la tentation du rejet, de la peur, du repli sur soi, ce film collecte les initiatives de tous ces citoyens debout qui, sans attendre, mettent en place des solutions pour vivre mieux, ensemble.
C’est à la suite à la publication d’une étude qui annonce la possible disparition d’une partie de l’humanité d’ici 2100 que Cyril Dion et Mélanie Laurent sont partis enquêter dans dix pays pour comprendre ce qui pourrait provoquer cette catastrophe. Et surtout, comment l’éviter !
Durant leur périple, ils ont rencontré les pionniers qui réinventent l’agriculture, l’énergie, l’économie, la démocratie et l’éducation. Il y en a sur notre territoire !
En mettant bout à bout ces initiatives positives et concrètes qui fonctionnent déjà, ils commencent à voir émerger ce que pourrait être le monde de demain…
Tous, nous avons dans notre entourage des personnes malades de leur environnement, atteintes de cancer, de maladies respiratoires, de maladies cardio-vasculaires.
Tous, nous connaissons dans notre entourage des personnes malades de leur travail. Exclusion sociale due au le chômage jusqu’au burn-out, les maux du travail intoxiquent notre tissu social. Pas de travail, trop de travail, mal au travail… Comment remettre nos valeurs dans le sens de l’humain ? Comment remettre notre société debout ?
Les ressources naturelles et les ressources humaines, certes, ce n’est pas la même chose. Mais c’est un même combat ! Nous n’opposons pas la violette et l’humain.
C’est le combat de l’épuisement de tout et tous au profit de quelques intérêts financiers.
La nature donne des signaux d’alerte : perte de biodiversité, 420 millions d’oiseaux de moins en Europe en 30 ans ; selon Natureparif, L’Ile-de-France a perdu en une dizaine d’années 21% de ses oiseaux et 8% de ses espèces de papillons ; changement climatique, un record de 51°C enregistré en Inde le week-end dernier ; recul du trait de côté, inondations, coulées de boue (il y a deux semaines encore dans la Manche), l’équivalent de la surface d’un département français qui disparaît tous les 7 ans à cause de l’artificialisation de la nature. Nous empruntons la Terre à nos enfants, préservez sa beauté, messieurs, c’est pour les enfants.
Parallèlement, la nature humaine elle aussi donne des signaux d’alerte, qu’elle gronde ou qu’elle craque, la violence monte. Il est temps de sortir de notre état de sidération, de redresser nos têtes basses, de nous remettre debout.
Il est compréhensible que nous les élus, dans ce moment où l’on passe d’une civilisation à une autre, ne prenions pas la mesure de ce qui est en train de se passer. Mais nous ne pouvons pas rester sourds et aveugles. Les grandes avancées sociales ont toujours été obtenues par la rue. Ce sont les grèves de 36 qui ont obtenu les congés payés, les conventions collectives et la semaine de 40 heures. Quand il y a dix ans la jeunesse descend dans la rue, le gouvernement Villepin retire le projet de CPE. Aujourd’hui, après un mois de manifestations, le gouvernement impose sa loi travail par le 49-3.
Nos concitoyens manifestent le rejet de ce système politique, avec l’augmentation de l’abstention, qui bat son précédent record à chaque nouvelle élection.
Comment renouer avec la noblesse d’une politique qui vivrait au cœur de la cité ?
Les messages répétés sur 1 l’emploi, 2 l’emploi, 3 l’emploi qui nous bercent depuis le programme en 3 points de Louis de Funès en 1978, avec la promesse du retour d’une croissance qui ne fait que baisser depuis 55 ans, marquée par des effondrements dues aux crises pétrolières, financières, et immobilières, ne peuvent plus être perçues comme des paroles de vérité.
La croissance du PIB ne peut être le seul objectif d’une société saine.
La santé, le bien-être, le bon état de la nature, doivent être garantis. Il faut remettre l’économie à sa place : au service de la société, et non l’inverse. La nature ne peut être considérée comme purement utilitaire. Sa préservation est vitale, pour notre avenir à tous. Nous sommes passagers de la terre, il n’y a pas de Planète B.
Évaluons nos politiques à cette aune : celle de l’utilité sociale et environnementale. L’intérêt général, ce sont nos biens communs, la santé, la terre, l’air, l’eau. Les détruire dans la recherche sans fin de points de PIB est absurde et suicidaire.
Puisqu’il est aujourd’hui question de budget, mesurons nos investissements à l’aune de cette utilité publique. Préservons les terres et la nature qui nous font vivre, agissons pour la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les sols, l’alimentation.
Des politiques de prévention coûtent toujours moins cher que la réparation. Les maladies liées à l’environnement coûtent des milliards à la collectivité, 2 milliards pour la pollution de l’air, 4 milliards pour les perturbateurs endocriniens. Protégeons nos ressources.
http://www.journaldelenvironnement.net/article/perturbateurs-endocriniens-une-facture-de-31-milliards-d-euros,47238
Quand la justice donne raison aux citoyens qui depuis des années se mobilisent pour préserver la qualité de leur environnement comme à Nonante le Pin, voilà qui redonne du sens, voilà qui redonne confiance !
Et quel signal donnez-vous avec une baisse de 25 % du budget de l’Environnement par rapport aux deux précédents, autorisations d’engagement et autorisations de paiement additionnés ?
Je voudrais aussi alerter sur les associations qui œuvrent a la préservation de l’environnement, avec des conséquences environnementales, sociales et touristiques très bénéfiques, qui doivent continuer d’être soutenues.
HNNE, Association d’utilité publique, fédération indépendante, par exemple, n’est plus soutenue par les départements. Encore un peu cette année, la moitié, par le département de Seine-Maritime, mais cela prendra fin en 2017.
Elle fédère pourtant de nombreuses associations dont l’utilité publique en matière de préservation du territoire et du patrimoine naturel, d’éducation, de culture et de loisirs, de connaissance du territoire, de sa géologie, de sa biodiversité, et aussi des associations locales, bien implantées sur le territoire, qui fonctionnent aussi avec l’aide des salariés de la fédération, et à de nombreux bénévoles, et qui financent enfin des actions vitales pour notre Région et sa qualité de vie.
La Région doit maintenir son soutien à HNNE, et même, devrait réfléchir à compenser les pertes subies par la suppression des subventions départementales.
Il en va de même pour le GRAPE, le CREPAN, pour ce qui est de l’ancienne Basse-Normandie, désormais le sud de la Normandie, qui sont tout aussi utiles publiquement.
Je signale également la disparition, je l’espère malencontreuse, de structure comme l’ADRESS, ou encore celle du fonds d’aide aux micro-projets de développement.
Les finances des départements sont en déficit : doit-on se donner comme priorité de les soutenir par un plan d’investissement routier ?
Investissons plus utilement dans les transports collectifs, qui réduiront nos émissions de gaz à effet de serre et serviront à la mobilité du plus grand nombre. Amplitude, fréquence, cadencement, et tarifs sont les sésames qui feront préférer les transports en commun.
Et c’est se moquer M. Le Président de nous les promettre pour le train… en 2020 !
Avec 100 millions d’euros, la métropole de Rouen met en place une ligne Nord-Sud en site propre, avec une prévision de 15.000 à 20.000 voyageurs par jour. Aidons-la à mettre en place une ligne équivalente sur les plateaux Est (une T6) : cela coûterait dix fois moins cher qu’une autoroute à péage fermé, qui n’accueillerait peut-être même pas du fait de ce péage les 15.000 à 20.000 voyageurs de la ligne Teor, en détruisant plus de 500 hectares de terres naturelles et agricoles, 136 hectares de forêt et induirait un nouvel étalement urbain, dans une île de nature préservée, la verte Normandie que nous aimons, aux portes de la ville. Nous ne mesurons pas assez la chance que nous avons. (BROCHURE TOURISME)
Réorganisons également la filière logistique pour décongestionner nos routes (où passent plus de 70% des marchandises transportées en Haute-Normandie), en relançant le fret fluvial et ferroviaire, moins émetteurs de gaz à effet de serre que les camions.
Comme chef de file pour le Climat et responsable du futur Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Egalité des Territoires, la collectivité régionale doit prioriser ses orientations, et considérer l’intérêt général au delà de notre mandat.
La mise en place d’une écotaxe régionale pour les poids lourds en transit, comme l’a proposée Chantal Jouanno pour l’Ile de France en avril dernier, génèrerait des recettes pour investir dans des infrastructures moins polluantes.
Concernant l’utilité sociale, plutôt que de ne plus payer le RSA, comme le menace M. Le Cornu dans l’Eure, alors même qu’une personne éligible sur deux renonce à faire valoir ses droits et que chaque année plus de 12 milliards d’euros d’aides sociales ne sont pas réclamés – par manque d’informations, par découragement devant la complexité des démarches administratives, par honte parfois, ou par manque de stabilité de leur situation – on peut essayer d’en finir avec la crise sociale et étudier la faisabilité d’un revenu de base universel, qui supprimera, de fait, toutes les prestations conditionnelles, et les coûts énormes générées par le contrôle et la chasse à la fraude.
La Région Aquitaine a lancé une étude de faisabilité sur l’expérimentation d’un revenu de base universel dans certains territoires volontaires, une expérimentation sur les conditions de sa mise en place, car c’est une réponse à la crise, dans une société qui ne connaîtra plus le plein emploi, en permettant à chacun de vivre décemment et en bonne santé, et en remettant le travail à sa juste place, un travail choisi et épanouissant, et non plus une variable d’ajustement pour réaliser des gains de points de compétitivité.
On le constate avec la crise actuelle sur le Code du travail : on voit qu’on prétend concilier la flexibilité qui permet la compétitivité des entreprises, d’une part, et la sécurisation des parcours des travailleurs d’autre part. Et on n’y arrive pas, c’est impossible ! Par contre, on peut les déconnecter, avec la mise en place d’un revenu universel d’existence.
C’est ce qui est tenté déjà en Finlande, où dès novembre 2016, chaque citoyen percevra une allocation de 800 euros par mois, sans condition de richesse, ni d’âge. D’autres pays lui emboitent le pas, comme les Pays-Bas, et une votation doit avoir lieu en Suisse en 2016.
Le revenu de base universel n’est pas une mesure anticapitaliste, ni une incitation à ne plus travailler, au contraire, il révèles les capacités des personnes libérées des pressions.
Il permettra à tous ceux qui bénéficient d’une prestation conditionnée à leur précarité, et qui refusent de quitter cette situation précaire de peur de perdre leurs aides sociales, de retourner vers une vie sociale et un travail, dans les secteurs marchand ou non marchand, même pour un temps court, sans la crainte de perdre toute ressource.
C’est une nouvelle façon d’aborder le travail en ce 21ème siècle, permettant de se réapproprier le travail, de pouvoir choisir un travail selon ses aspirations, de pouvoir réaliser un travail utile, même s’il n’est que peu rémunérateur.
On ne mesure pas en France la richesse que représente le travail bénévole, le travail formidable de ces 15 millions de bénévoles qui font vivre le million d’associations qui existent en France et qui font un travail de terrain indispensable dans les domaines humanitaires, sportifs, culturels ou environnementaux, le travail domestique gratuit, les coups de main des grands-parents, le travail gratuit des aidants familiaux des personnes dépendantes, l’aide à la garde et à l’éducation.
Nous pouvons participer à ce débat en évaluant les avantages, les coûts et les économies générées par ailleurs. Ce nouveau système a le mérite de la clarté, de la simplicité, et de l’égalité devant tous les citoyens. Comme la région Aquitaine, lançons nous, à leurs côtés, dans l’étude de sa faisabilité. Le revenu de base universel peut être l’outil d’intégration sociale que n’ont pas su être le RMI ou le RSA, sans honte, et à destination de tous, classes moyennes et au dessus, à égalité. Une paix sociale à portée de mains.
Nous pourrons, après l‘étude de faisabilité, choisir de faire, ou de ne pas faire, mais nous ne pouvons pas exclure ce débat.
http://www.20minutes.fr/bordeaux/1832155-20160422-aquitaine-limousin-poitou-charentes-revenu-base-universel-etude
https://www.senat.fr/rap/r05-016/r05-0160.html
Bravo à nos élus
il fallait le dire et il faut poursuivre
quelles ont été les réactions ?
je vous soutiens
bravo Laetitia!! très bon discours, j’espère que ça en fera réfléchir quelques uns!!