L’agro-écologie : une solution d’avenir pour l’agriculture et pour la ferme normande

L’agro-écologie : un solution d’avenir pour l’agriculture et pour la ferme normande

CT-PHGpar Claude Taleb, Vice président EELV de la Région, chargé de l’agriculture et de l’économie sociale et solidaire, et

Perrine Hervé-Gruyer, Agricultrice et conseillère régionale EELV chargée du développement de l’agriculture biologique.

Tribune à télécharger ici

Pour le monde agricole, l’année 2014 restera marquée d’une pierre blanche à condition que nous ne rations pas deux échéances majeures : la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (LOA) actuellement examinée par le Parlement et les opportunités nouvelles offertes, dans le contexte de la réforme de la politique agricole commune (la PAC), par la régionalisation d’une partie des aides européennes qui sera effective au second semestre 2014.

La loi d’avenir repose sur 4 piliers principaux : le soutien aux filières, notamment l’élevage, le renouvellement de la population agricole et l’installation des jeunes, le projet agroécologique pour la France, le lien et le dialogue entre les terroirs et les citoyens.

Le Ministre, Stéphane Le Foll, met la barre haut : « faire de la France un leader de l’agro-écologie ».

De quoi s’agit il ? L’agro-écologie est une façon de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement (exemple : réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter le recours aux produits phytosanitaires) et à préserver les ressources naturelles. Il s’agit de remettre l’agronomie au centre au centre du système productif et d’utiliser au maximum la nature comme facteur de production en maintenant ses capacités de renouvellement. Contrairement à ce que peuvent en dire ses détracteurs, l’agroécologie tend vers la production avec une productivité d’autant plus importante que les sols seront restaurés, années après années. Des exemples concrets à travers le monde le prouvent !

Pour les hauts-normands, les conséquences d’un tel virage seraient extrêmement profitables: la création de davantage d’emplois non-délocalisables, une restauration de la qualité de l’eau et des aliments produits localement, bénéfiques pour notre santé, une attractivité nouvelle pour une région devenue « ambassadrice de l’agro-écologie » .

Alors que plus de 80% des français estiment qu’il faut en priorité développer une agriculture de petits exploitants, nous soutenons qu’il existe aujourd’hui une belle opportunité pour construire, avec les producteurs, une prospérité nouvelle et partagée.

Les parlementaires écologistes, à l’initiative de Brigitte Allain, elle-même agricultrice et députée de la Dordogne, sont force de proposition et ont déjà obtenu l’inscription dans le projet de loi de mesures concrètes. Pour prioriser l’agriculture biologique et les produits locaux dans la restauration collective, pour la prise en compte de la valeur agronomique des parcelles dans les documents d’urbanisme, pour interdire totalement la publicité en faveur des pesticides et des herbicides, pour faire reconnaître l’échange de semences au titre de l’entraide agricole, pour placer l’agro-écologie au coeur des futurs programmes de recherche et d’enseignement agricole etc.

La partie n’est pas terminée. Parce que les lobbies de l’agro-business rôdent. Parce qu’il reste à définir les mesures claires et chiffrées qui permettront de réellement changer la donne. Les écologistes portent donc des amendements, pour renforcer le contrôle du foncier, limiter l’artificialisation des sols, soutenir l’installation et prévenir les agrandissements qui concourent à l’industrialisation et aux pertes d’emploi. Ils proposent de créer le Contrat alimentaire territorial (CAT) qui mettra autour de la table les producteurs, les consommateurs et les collectivités locales qui souhaitent concevoir et mettre en oeuvre un projet destiné à l’alimentation de leurs concitoyens,

Nous en appelons au Ministre, aux Députés et aux Sénateurs haut-normands : transformez l’essai en adoptant une loi agricole d’innovation et de transition écologique !

L’ambition est d’autant plus légitime qu’elle est réaliste : sa mise en œuvre pourra prendre appui dès le second semestre de 2014 sur la décentralisation d’une partie des fonds européens.

Le gouvernement a pris plusieurs décisions favorables aux territoires en transférant des crédits du premier pilier de la politique agricole commune (les aides payées par Bruxelles), au second pilier, les aides régionales. Il a aussi décidé de confier aux Régions la responsabilité de gérer les fonds mais ausside piloter la définition et l’utilisation des aides.

Sur la période 2014-2020, la Haute Normandie pourra ainsi mobiliser, 103 millions d’Euros de l’Union européenne en faveur du développement agricole et rural au lieu de 54 sur la période antérieure.

Le choix des orientations agricoles régionales qui guideront l’utilisation de ces crédits font l’objet depuis 6 mois d’une concertation pilotée par la Région avec l’Etat, et associant les autres collectivités locales et la profession agricole, dans sa diversité.

L’action future se déclinera autour de deux priorités : le soutien à l’élevage et tout particulièrement à l’élevage bovin-lait herbager, la transition agroécologique des pratiques agricoles et la conversion à l’agriculture biologique.

Les terres agricoles couvrent 66%% du total des surfaces de la Haute-Normandie (54 % en France). Le tiers de ces surfaces sont encore en prairies, qui piègent le carbone et limitent l’érosion et le risque d’inondations et ont fait la renommée internationale de nos paysages. Les systèmes de production laitiers sont les garants de cette couverture en herbe. Ils seront profondément précarisés par la fin des quotas laitiers en 2015, 2500 emplois directs de paysans sont concernés. Pour préserver les exploitations familiales, conjurer le risque de voir apparaître des « usines à vaches », telle la ferme des 1000 vaches picarde, détournées de leur vocation fermière vers la production d’énergie, il est indispensable d’agir, par anticipation. Des programmes ambitieux de réduction des charges liées aux intrants (azote, phytosanitaires, alimentation du bétail…) conjugués à l’amélioration des conditions de travail et à une meilleure valorisation des produits (transformation, vente à la ferme..) pourront être mis en œuvre. La Normandie sans production laitière et sans herbages ne serait plus la Normandie. Nous partageons cette conviction avec nos amis bas-normands et nous sommes déterminés à évincer ce mauvais rêve.

Dans le contexte d’une concertation initiée par le Ministère de l’agriculture, l’objectif de tripler d’ici 2017 la part de l’agriculture biologique régionale a fait l’objet d’un consensus de tous les acteurs. Afin d’atteindre cet objectif,Il est prévu de favoriser les installations de nouveaux agriculteurs et accompagner leur professionnalisation, appuyer les politiques des inter-communalités désireuses de fournir des produits locaux de qualité à leurs habitants et à leurs têtes blondes et brunes dans nos écoles, protéger les terres agricoles de l’urbanisation et éviter la répétition de déplorables épisodes du type « Ferme des Bouillons » livrée à Mont Saint Aignan, à la promotion immobilière,soutenir les initiatives innovantes et citoyennes qui se développent dans de multiples territoires de la région avec la création de coopératives reliant producteurs et consommateurs pour commercialiser des produits frais et du pain bio…

Les nouveaux fonds européens pour l’agriculture nous imposent de mobiliser au moins 35% des crédits pour des mesures favorables au climat et à la biodiversité.

C’est une opportunité pour commencer à changer la donne d’ici 2020, maintenir et créer de l’emploi paysan en conciliant performance environnementale et performance économique.

Remonter