PROSPERITE SANS CROISSANCE, La transition vers une économie durable

Un petit livre facile d’accès de Tim Jackson (éditions De Boeck) à lire d’urgence pour clarifier et valider nos propositions dans nos campagnes et combats à venir.

  •  la taille de l’économie mondiale a été multiplié par 5 depuis 1950 et si elle continuait à croitre au même rythme elle serait 80 supérieure en 2100 ce qui est ingérable du point de vue des émissions de gaz à effet de serre et de l’épuisement des ressources,
  •  moins de 5% des échanges quotidiens sur les marchés financiers correspondent à des biens et services existants,
  •  20% de la population mondiale gagne 2% des revenus et 20% des plus riches accaparent 74% des revenus,
  •  la croissance sans précédent , au niveau mondial, entre 1990 et 2007 a été alimenté par une expansion massive du crédit et des niveaux d’endettement des particuliers et des Etats : ce sont les politiques de croissance qui ont provoqué sa chute,
  •  60 ans de croissance économique  n’ont pas entrainé une amélioration équivalente en matière d’accès aux besoins élémentaires ( accès à l’eau, alimentation, santé, logement, éducation…) et pour beaucoup, au nord comme au sud la situation a empiré,

« Une économie fondée sur l’expansion perpétuelle d’une consommation matérialiste alimentée par l’endettement est écologiquement intenable, socialement problématique et économiquement instable »

On ne peut pas continuer ou reprendre une économie de la croissance comme si de rien n’était mais on ne peut pas non plus passer à une macroéconomie écologiste du jour au lendemain au risque de provoquer instabilité économique, récession, chomâge, chaos social…sans résoudre les urgences écologiques.

Comment gérer cette transition économique, sociale, comportementale et psychologique ?

Devant cette angoisse personnelle et collective, cette peur de l’inconnu, beaucoup se retrouvent , à des degrés divers, dans la perspective de la « croissance verte » et de ce qu’on appelle le « découplage relatif » : une relance de la croissance basée sur des sources d’énergies moins(ou pas) polluantes et sur la vente de services non matériels, de produits non polluants ; faire de l’innovation, gagner en efficacité énergétique, faire moins de dégâts environnementaux, moins de pollution, moins d’utilisation de ressources finies… mais :

  • cette « croissance verte » s’appuie sur des activités manufacturières (socialement et écologiquement insoutenables) avec les importations des pays du sud et l’expansion des services financiers pour les payer,
  • nos services non matériels et nos loisirs de consommation sont responsables de 25% de notre « empreinte carbonée »,
  • effet pervers, une dose d’économies liées à l’efficacité énergétique ou autre peut être dépensée dans d’autres secteurs de consommation très carbonnés (transport aérien, rocades et contournements par exemple) ; le découplage relatif peut avoir l’effet pervers de nous éloigner du « découplage absolu » (prospérité sans croissance).

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, le favoriser, l’élargir, mais sans entretenir l’illusion que cela suffira (en revendiquant par exemple un new deal vert)ni que cela nous met , même insuffisamment, sur la bonne voie.

Tout l’intérêt du livre de Tim Jackson (commissaire à l’Economie de la commission du développement durable du Royaume Uni) est, à partir de ces pesants constats, d’ouvrir une perspective économique et sociale crédible et opérationnelle qui valide et donne du sens à une économie mondiale de transition vers une prospérité sans croissance (ce que nous avons appelée décroissance sélective et solidaire à notre dernier congrès) qui réponde à la fois aux urgences écologiques et sociales.

Dans le cadre de ce court article, nous ne pourrons que vous mettre l’eau à la bouche sur les solutions proposées et vous donnez envie d’en savoir plus :

  • l’économie et la société doivent impérativement prendre en compte les limites de la planète et des ressources, se fixer des plafonds de pollution , des objectifs de réduction des consommation de ressources avec des indicateurs clairs et socialement partagés,
  •  donner un prix au climat, taxer le carbone et moins le travail, quantifier les coûts sociaux et environnementaux du productivisme (remettre en cause le PIB, développer les monnaies locales et complémentaires, changer d’échelle avec les Etats généraux de l’ESS…),
  •   soutenir la transition écologique de l’économie notamment dans les pays émergents avec une réduction de la frénésie de la consommation ostentatoire au nord (ce qui impactera les exportations massives des pays émergents et supposera des mesures de reconversion soutenue par exemple par une taxe carbone à l’importation ou sur les flux financiers),
  • développer une théorie macroéconomique écologique qui trouve les voies du bien être pour tous à production constante : ce sont de nouvelles approches sur la consommation, l’investissement, la productivité du travail
  • réduire les inégalités et les écarts de revenus est une exigence de justice et d’efficacité économico-écologique pour réduire les coûts sociaux, les consommations « positionnelles »…
  • développer une économie résiliente capable de résister aux chocs extérieurs (crise bancaire, crise de la mondialisation …), de multiplier la relocalisation et les communautés locales pour permettre la subsistance et le mieux être de tous,
  •  démanteler la culture du consumérisme : plus n’est pas forcément mieux, renouer avec la durabilité et la réparation des objets, mettre en cause la publicité et le gaspillage généralisé,
  •  développer un hédonisme alternatif, retrouver du sens à la vie, aux échanges et aux solidarités, à la création individuelle et collective…
  •  mettre en œuvre de nouveaux indicateurs d’espérance de vie en bonne santé, de niveau d’éducation, de vie sociale, de résilience des communautés…

3 dernières idées centrales de ces perspectives :

  • cette réorientation forte de l’économie vers une prospérité sans croissance passe par des investissements massivement et prioritairement dans l’écologie et les emplois verts …nous sommes bien loin du soupoudrage actuel à la marge, cela suppose des choix frontales,
  • l’objectif n’est plus d’augmenter à tout prix l’automatisation et la productivité du travail mais de stimuler la recherche permanente vers des activités et des secteurs sobres en carbone et en consommation de ressources mais riche en utilité sociale et intense en main d’œuvre.
  • en effet la productivité du travail augmentant malgré tout, avec une production écologiquement contrainte de s’auto-limiter, le meilleur moyen de maintenir la stabilité macroéconomique et de préserver les moyens de subsistance de tous est de partager le travail nécessaire (en le complétant par des activités choisies).
  • dépasser l’Etat schizophrène qui prétend défendre les biens communs et l’avenir de la planète et relance sans cesse la guerre économique et la course à l’hypothétique croissance. Tant qu’une autre voie de stabilité macroéconomique n’apparaitra pas comme une alternative possible, les mutations nécessaires n’auront pas lieu.

On voit bien que nous retrouvons derrière cette « prospérité sans croissance » une mise en cohérence de beaucoup de nos propositions (je vous laisse en faire la liste) mais en levant l’ambiguité d’une « croissance verte » qui rassure à la marge sans prendre en compte les conséquences lourdes et datées des urgences écologiques et sociales que nous connaissons.
L’intérêt d’ une « prospérité sans croissance »  c’est d’ouvrir un chemin crédible et désirable de la frugalité heureuse.

Rouen, le 2 Août 2010     Jean Pierre LANCRY

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