Nous n’avons pas le même « non »

Nous reproduisons ici la prise de position d’Etienne Noël, , avocat pénaliste et rouennais membre de l’Observatoire International des Prisons (OIP) et Claude Taleb, militant EELV et vice-président de Région.

En ce début d’année 2012, nous formons le voeu que cesse de s’allonger la liste des communes qui s’opposent, aussi irréductiblement qu’individuellement, à l’implantation du nouveau centre pénitentiaire sur leur territoire.

Suite au refus initial de Bois-Guillaume, Mesnil-Esnard et Canteleu, la vague des refus s’est élargie à des communes périphériques : La Neuville-Chant-d’Oisel, Quincampoix, la com/com de Moulins-Ecalles, Bouville. Avec certains arguments qui méritent d’être pris en compte, et d’autres beaucoup moins :  le premier édile de Bouville s’est ainsi laissé aller à un dérapage verbal odieux, en comparant le centre de détention à un « centre d’enfouissements de déchets ». Qu’un élu en vienne à confondre des déchets et des êtres humains souligne l’impasse où nous ont conduit des années de populisme sécuritaire. Dans cette « logique », certains ne craignent pas le double langage et l’hypocrisie.

Ainsi, les mêmes qui accompagnent, et parfois attisent, la demande sociale d’une justice toujours plus répressive et plus expéditive, refusent d’en assumer les conséquences : l’augmentation incessante d’une population pénale qu’il faut bien loger, mais… « pas chez moi, chez les autres » !

Mettre des personnes en prison est une extrémité à laquelle notre société ne devrait se résoudre qu’en dernier ressort, après avoir tout mis en œuvre pour prévenir la délinquance, et, le cas échéant, mettre en place d’autres solutions, des peines alternatives à la détention. La justice, elle, est rendue « au nom du peuple français » celui-même au nom duquel ces élus prennent la parole. Et c’est une question d’humanité … et de justice désormais : la mal nommée maison d’arrêt « Bonne Nouvelle » est condamnée à être fermée pour le « traitement inhumain et dégradant des personnes » qui y sont détenues.
Il est donc nécessaire de construire un centre pénitentiaire qui pourra être moins criminogène, à condition d’être de taille plus humaine et d’être accessible facilement.

La façon dont l’Etat, qui n’est en général pas avare de proclamations sécuritaires et de décisions autoritaires, exerce sa compétence, est, en l’espèce, étonnante. Monsieur le Préfet compte-t-il faire le tour de toutes le communes de la région rouennaise en se contentant de consigner les refus l’un après l’autre ? Une telle attitude conforte toutes les démagogies, tous les populismes.

C’est pourquoi notre vœu s’assortit d’une proposition. Nous en appelons à Madame la Maire de Rouen, Monsieur le Président de la CREA, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, les Maires et élus de toutes les communes, de notre Communauté d’Agglomération.

Nous vous demandons de vous accorder pour proposeraux services de l’Etat, d’une même voix, une solution  : un site d’implantation qui réponde aux exigences de l’urbanisme d’aujourd’hui (reconstruction de la ville sur la ville, protection des milieux naturels et des terres agricoles), qui prenne le contrepied de l’hypocrisie ambiante, en mettant sous les yeux de tous, les conséquences du « tout sécuritaire » tellement en vogue, et qui surtout respecte la dignité des détenus et la dignité de leurs familles en facilitant les visites et en leur épargnant la double exclusion liée à une implantation éloignée du centre ville et des voies de communication. C’est donc au cœur de l’Agglomération que ce centre doit être construit. Si possible au cœur de la ville centre, en tous cas en zone habitée, accessible par Métrobus ou Téor.

Nous appelons toutes les personnes éprises de justice et de respect de la personne humaine à manifester leur accord avec ce choix de responsabilité et d’humanité.

Le 8 janvier 2012,

Etienne NOEL
Claude TALEB

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